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Shooting Dogs de Michael Caton-Jones

Un film de Michael Caton-Jones

Avec John Hurt, Hugh Dancy

Production BBC Films et le UK Film Council

Sortie le 08 mars 2006

Royaume Uni / Allemagne - VO - Couleurs - 1 h 54 - Scope - 35 mm

Synopsis

Rwanda, le 6 avril 1994

L’assassinat du président Habyarimana marque le début du génocide. Les forces armées de chaque Nation en présence reçoivent pour seule mission l’évacuation des ressortissants de leur pays. Un prêtre catholique anglais et un jeune enseignant coopérant se retrouvent dans le chaos des premières heures de ce massacre. Totalement impuissants, incapables de juguler la haine, ils sont confrontés à leur propre limite : mourir en restant ou vivre en fuyant le pays.

(JPG)

SHOOTING DOGS a été réalisé à partir de faits réels et tourné entièrement au Rwanda.


Voici le texte que Georges Kapler, membre d’Appui Rwanda, a adressé en réponse à l’attachée de presse du film « Shooting dogs ». Nous publions cette lettre car elle exprime clairement notre point de vue.

Bonjour,

Je tiens tout d’abord à vous préciser que ce courriel n’exprime que ma position en tant qu’individu et n’est en aucun cas celle de la Commission d’Enquête Citoyenne sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda dont je suis membre comme vous le savez.

Ce film, « Shooting dogs », est une véritable fiction. Une fiction dans le sens ou si la description des sentiments et les attitudes des personnages sont assez bien restitués, le fond historique global sur lequel le scénario s’appuie est malheureusement dénaturé. Ce n’est pas sans conséquences : décrivant l’horreur il en occulte la mécanique, réduisant ainsi l’horreur.

La scène où apparaît le personnage de M. Ngulinzira semble plaquée, comme réduite au montage. Ceci laisse penser que le réalisateur connaît l’histoire de ce ministre des affaires étrangères du gouvernement rwandais, Hutu, membre de l’opposition. Signataire des accords de paix d’Arusha de 1993 et de la transformation en 1992 des accords de coopération entre la France et la gendarmerie rwandaise en accord de coopération avec les Forces Armées Rwandaises. Cette modification d’accords (accords qui, de toute façon, n’entraînaient aucune obligation pour la France d’intervenir au Rwanda) étaient une tentative de légaliser la présence des troupes françaises de l’opération Noroît et autres militaires dirigeants de fait les opérations de guerre. Ceci est très bien décrit par le rapport de la Mission d’Information Parlementaire de 1998.

Faiblesse du scénariste/dialoguiste incapable de faire ce que fait remarquablement Raoul Peck dans « Sometimes in April » c’est-à-dire de rendre perceptible par des dialogues précis et ciselés, le contexte politique et historique dans lequel évoluent ses personnages.

La présence des militaires Français résumé à une évacuation bourrue des expatriés occidentaux est trop loin des faits réels pour être sans conséquences sur la perception des événements pour le spectateur.

La France prend la décision le 9 avril d’évacuer ses ressortissants et déclenche l’opération Amarilys sans aucune coordination avec la MINUAR. Les soldats français, empruntant des véhicules de la MINUAR , en ralentiront l’action déjà entravée par les AML (blindés légers) livrés aux Forces Armées Rwandaises par la France. Plus encore ce sont des militaires français qui quitteront les derniers le camp de l’ETO, mentant aux réfugiés en disant qu’ils allaient rester, accélérant ainsi le départ des Belges.

Les opérations Amarilys (française) et Silverback (belge) ne pouvaient évidemment pas évacuer tous les rwandais visés par le génocide. Il faut savoir, et l’histoire de M. Ngulinzira en est un parfait exemple, que les Français n’ont évacué que des responsables politiques Hutus proches de Mme Habyarimana et du Hutu Power, c’est-à-dire les dirigeants proches des assassins. Évacuant les uns, pour la plupart réfugiés à l’ambassade de France, et abandonnant les autres aux bourreaux, les responsables Français ont fait la preuve de leur complicité avec les assassins.

Il est fréquent d’entendre nos responsables politiques français accuser l’ONU d’être coupable du retrait des forces de la MINUAR, comme si la France, membre permanent du Conseil de Sécurité, n’avait pas voté le retrait de la MINUAR et soutenu par la suite la présence à l’ONU du Gouvernement Intérimaire Rwandais qui menait le génocide.Et ce, contre l’avis d’autres membres du Conseil de Sécurité, comme la Nouvelle-Zélande ou la Tchécoslovaquie.

Rôle de la France à l’ONU encore plus ambigu quand on sait que le Secrétaire Général de l’ONU, M. Boutros Boutros Ghali, lorsqu’il était ministre des affaires étrangères en Egypte a permis la fourniture d’armes aux Forces Armées Rwandaises dont le paiement a transité par des banques françaises. Devenu Secrétaire Général de l’ONU grâce au soutien intensif de la France, il fut accusé par des membres du Conseil de Sécurité d’avoir volontairement minimisé les informations sur la situation au Rwanda et par là influencé les décisions du Conseil de Sécurité qui ont abouti au retrait de la MINUAR.

En offrant cette vision réduite des événements, ne montrant qu’une responsabilité des forces de l’ONU, le film renvoie le spectateur à une culpabilité collective, nous rendant tous responsables de l’abandon des Rwandais à leur sort. Les décisions qui ont mené à cette situation sont des décisions politiques, prises par les responsables politiques et militaires de l’époque. Dans nos démocraties, le citoyen délègue par son vote le pouvoir à ceux qui vont le représenter et prendre ces décisions. Nous devons en tant que citoyens assumer ces décisions, il n’y a aucun doute là-dessus. Mais quand nous, citoyens, sommes trompés et manipulés par ceux que nous avons élus, n’avons-nous pas le devoir de les dénoncer ? Quand avons-nous, nous, citoyens français, décidé de continuer à être les complices du génocide des Tutsi du Rwanda ? La réponse est simple, implacable : Chaque fois que nous fermons les yeux sur ce qui pourrait aujourd’hui amener les responsables, français et leurs complices, de ce génocide, devant la justice des hommes par opposition à cette justice divine qui semble plus être le souci du réalisateur.

Ce film, en proposant une culpabilité collective et en diluant les responsabilités, réduit ainsi l’espoir de voir un jour les véritables maîtres d’œuvre de cette horreur rendre compte de leurs crimes.

Ce film travaille contre ce qu’il prétend défendre, mais au fond prétend-il défendre quelque chose ? ou bien n’est-il que l’expression de la contemplation narcissique de la culpabilité bien pensante et flagellatrice de son auteur ?

Très sincèrement,

Georges Kapler

Pour votre information personnelle :

www.enquete-citoyenne-rwanda.org

Shooting dogs

 

Appui Rwanda