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Histoire d’un génocide (1885-1999)

En 100 jours, plus d’un million de personnes sont exterminées
 De la colonisation au génocide

Rwanda, 1994 : la population tutsi est victime d’un génocide d’une efficacité meurtrière effroyable.

Excitée par des années de propagande haineuse, la majorité hutu bascule dans la folie. Hommes, femmes et enfants, armés de machettes, tuent, violent et pillent des familles entières, leurs voisins de toujours. En 100 jours, plus d’un million de personnes sont exterminées, Tutsi mais aussi Hutu opposants au régime, soit plus de 15 % de la population totale.

Dès les années 20, le colonisateur et les missionnaires belges, s’appuyant dans un premier temps sur la royauté tutsi, vont créer une élite sociale tutsi et entamer ainsi la cohésion du pays.
Dans les années 50, les Tutsi rejoignent les mouvements indépendantistes africains ; les colons décident alors de changer de camp et d’accorder leur soutien à la majorité hutu.

En 1959, une révolution dite "sociale", assistée par le pouvoir belge, engendre les premiers grands massacres de Tutsi.

L’Indépendance est proclamée en 1962. Un pouvoir raciste hutu se met en place et va entraîner la persécution des Tutsi. Des familles entières de Tutsi s’exilent dans les pays limitrophes. En 1990, une armée de jeunes combattants tutsi réfugiés à l’étranger crée le Front Patriotique Rwandais (FPR) et tente de rentrer au pays. Cette offensive est stoppée par les Forces armées rwandaises, soutenues par l’armée française. En août 1993, des accords de paix sont signés. Pourtant les massacres continuent et le génocide de la population tutsi se prépare.

Le 6 avril 1994, l’avion du président Juvénal Habyarimana est abattu. Officiellement, on ne connaît pas les responsables de cet attentat.

Le génocide des Tutsi commence.


La colonisation du Rwanda

 1885 Partage de l’Afrique entre les puissances européennes (conférence de Berlin).
Attribution du Rwanda (alors sous le règne du roi Mutara II Rwogera) à l’empire allemand.

 1892-94 Entrée des Allemands au Rwanda. Découvertes des collines rwandaises. Règne du Mwami Kigeli IV Rwabugiri.

 1895 Mort du roi Kigeli IV Rwabugiri. Intronisation de Mibambwe IV Rutalindwa.

 1896 Événements de Rucunshu : le Mwami Mibambwe IV Rutalindwa est tué.

 1897 Intronisation du Mwami Yuhi V Musinga. Le roi confie les relations extérieures du Royaume à l’empire allemand.

 1900 Fondation de la première mission catholique par les Pères blancs à Save. Administration indirecte du royaume par les Allemands qui ouvrent une résidence.

 1907 Le Mwami Musinga refuse de prendre part à la cérémonie d’ouverture d’une église construite par les Pères blancs. Nomination de Richard Kandt comme résident impérial du Rwanda.

 1908 Fondation de Kigali.

 1910-1911 Tracé des nouvelles frontières de l’Afrique orientale allemande avec le Congo belge et le Protectorat britannique de l’Ouganda. Le Rwanda perd ses territoires du Kivu, Bufumbira, Mdorwa et Mpororo.

 1916 Guerre mondiale. Attaque de Shangi par les troupes belges. Passage du Rwanda sous l’occupation belge.

 1919 Le Traité de Versailles donne l’ancienne Afrique allemande à l’Angleterre et à la Belgique. Le régime du mandat est appliqué.

 1924 La Société des Nations (SDN) donne un mandat de tutelle à la Belgique.

 1926 Les réformes administratives bouleversent l’équilibre politique de l’administration traditionnelle. Les Hutu en sont exclus.

 1930-32 Radicalisation de la politique d’épuration et de remodelage des pouvoirs coutumiers, menée par le Gouverneur Voisin. Déposition par les Belges du Mwami Yuhi V Musinga, opposé à l’Église. Intronisation de son fils Charles Léon Pierre Mutara III Rudahigwa, catholique. Début du royaume chrétien du Rwanda.

 1931 INTRODUCTION DE LA CARTE D’IDENTITE MENTIONNANT L’ETHNIE

 1946 Les Nations Unies place le Ruanda-Urundi sous le statut de la Tutelle belge. L’Église contraint le roi Rudahigwa à consacrer son pays au " Christ-Roi ".

 1954 Grégoire Kayibanda, ancien séminariste, est nommé rédacteur en chef de Kinyamateka, édité dès 1933 par les Pères blancs.

 1955 Mgr Perraudin, prélat d’origine suisse est nommé vicaire apostolique de Kabgayi, puis archevêque de Kigali. Grégoire Kayibanda est son secrétaire particulier.

 1957 Le Manifeste des Bahutu est publié avec l’aide intéressée de l’Eglise catholique. Les Pères blancs aident et parrainent la " révolution hutu ".

 1959 Kayibanda fonde le Parti du mouvement de l’émancipation des Bahutu (Parmehutu).

La première république hutu

1959

 25 juillet : Mort suspecte du Mwami Mutara III Rudahigwa à Bujumbura, après une injection faite par un médecin belge.
 28 Juillet : Intronisation de Kigeri V Ndahindurwa, dernier roi du Rwanda.
Création de plusieurs partis politiques.
Premier massacres de Tutsi faisant 20 000 morts : Massacres de la " Toussaint rwandaise ".
Début de la " révolution sociale ", lancée, appuyée et supervisée par l’Eglise, l’armée et l’administration coloniale. Des dizaines de milliers de Tutsi sont tués, leurs biens pillés et leurs maisons brûlées. Regroupement d’une partie des rescapée regroupés dans des camps au sud-est du pays. Fuite d’une autre partie vers les pays limitrophes. Nomination du colonel Logiest comme résident spécial.

1961

 28 janvier : Coup d’État de Gitarama : Proclamation de la République par Kayibanda, ex-secrétaire de Mgr Perraudin, conseillé par Logiest et sous le contrôle de l’administration belge.
Élections législatives. Victoire du parti Parmehutu de Kayibanda. Nouvelle flambée de violence antitutsi. Massacre et exode de milliers de Tutsi.
 25 septembre : Référendum. Grégoire Kayibanda élu président de la République hutu. Arrestation puis expulsion de Kigeri V par les autorités belges.
La mention de l’ethnie sur la carte d’identité, instituée par l’administration coloniale, est obligatoire et doit désormais figurer sur toutes les pièces administratives.

1962

 1er juillet : Indépendance de la République rwandaise. Triomphe d’une " révolution sous tutelle " ou " assistée ", selon le gouverneur Harroy. Premiers raides de réfugiés tutsi entraînant des représailles massives sur la population civile tutsi prise en otage. Les massacres organisés en présence de l’armée coloniale belge font plusieurs milliers de morts. L’appartenance ethnique devient un élément déterminant de la vie sociale : accès à l’emploi, à l’éducation, aux postes administratifs.

1963

ORCHESTRATION DU " PETIT GENOCIDE " DE GIKONGORO PAR KAYIBANDA : Plusieurs dizaines de milliers de victimes, hommes, femmes et enfants. Fuite de 200 000 Tutsi vers l’Ouganda, le Zaïre et le Burundi. Bertrand Russel déclare qu’il s’agit " du massacre le plus horrible et le plus systématique depuis l’extermination des Juifs par les nazis ". Dissimulation du drame par les autorités rwandaises, par la tutelle belge et par la hiérarchie catholique. Exécution de membres tutsi du gouvernement.

Consolidation du pouvoir du Parmehutu. Elimination des opposants, instrumentalisation des pogromes antitutsi. Poursuite de l’exode des Tutsi dans les pays voisins. Déportation des rescapés des massacres dans les zones inhospitalières : les marais du Bugesera (Nyamata) pour les Tutsi du Nord et les forêts de Rukumberi pour ceux du Sud.

1965

Elections de Kayibanda qui revendique 98% des suffrages. Monopolisation du pouvoir par le Parmehutu, parti tribaliste et sudiste qui fonctionne comme parti unique sans opposition. L’armée et la police sont réservées exclusivement aux Hutu, particulièrement à ceux du Sud. Les Hutu du nord (Gisenyi et Ruhengeri) restent nombreux dans l’armée.

1966

Passage au parti unique

La seconde République hutu

1973

 Février : Nouvelles vagues de persécutions antitutsi, animées par des " Comités de salut public " à l’instigation d’un Père blanc, le Père Naveau. Pogromes sanglants. Expulsion des Tutsi de l’administration et de l’éducation. Epuration ethnique des élèves du secondaire et des étudiants de l’université nationale de Butare.

 Juillet : PRISE DU POUVOIR PAR JUVENAL HABYARIMANA A L’ISSUE D’UN COUP D’ÉTAT MILITAIRE. La faction nordiste au sein de l’armée accapare le pouvoir. Plus d’une cinquantaine de membres de l’administration et du gouvernement sont assassinés.

1974

Mort de Kayibanda dans sa prison, des suites de mauvais traitements et peut-être d’empoisonnement. Quadrillage du pays par la police et l’armée, transformée en garde prétorienne. Habyarimana reprend à son compte la politique ethnique de son prédécesseur excluant les Tutsi de l’armée et des postes de responsabilités.


Documentation

La nuit rwandaise, Jan-Paul Gouteux, Izuba édition / L’Esprit Frappeur, 2002

La Frace au coeur du génocide des Tutsi, Jacques Morel, Izuba édition / L’Esprit Frappeur, 2010

Les Enfants d’Imana, histoire sociale et culturelle du Rwanda ancien, Jean Luc Galabert, Izuba édition, 2011 (réédition 2012)

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